Coming soon: an article for my English-speaking readers!
Nathalie Kosciusko-Morizet |
Pied de cochon de Sainte-Menehould |
Lors d’une émission de radio l’autre jour, un auditeur demande à Nathalie Kosciusko-Morizet, porte-parole de campagne de Nicolas Sarkozy, et ministre des Transports jusqu’à très récemment, si elle sait combien coûte un ticket de métro. « 4 euros », répond-elle. Le vrai prix est 1,70 euros. L’auditeur de se gausser. Les histoires de ce genre sont légion : en 2007, un candidat aux primaires républicaines aux Etats-Unis, Rudy Giuliani, à qui on avait demandé le prix du litre de lait, avait répondu « 1 dollar 50 ». En moyenne à l’époque, c’était le double. Faut-il leur en tenir rigueur ? Disons que ça fait évidemment mauvais effet. Mais pour être franc, je ne connaissais pas non plus la réponse. Je n’ai pas acheté de ticket à l’unité depuis des années, et d’ailleurs à Mulhouse on prend plus souvent le tram que le métro : NKM aurait pu répondre à l’auditeur qu’il s’agissait là d’une question bien parisienne…
Cela me rappelle une anecdote qui montre que ce genre de question piège peut se retourner contre son auteur. Lors d’une réunion publique, un électeur d’une circonscription rurale voulut piéger Lady Astor (la première femme à siéger au parlement britannique en 1919) en lui demandant : « Combien de doigts de pied ont les cochons ? » Ce à quoi elle aurait répondu : « Enlevez vos chaussures et comptez. » Evidemment, les temps ne sont plus à ce genre de répartie, surtout en période électorale, et les questions ne sont pas de même nature. Tout de même : NKM a préféré dire n’importe quoi plutôt que « je ne sais pas » ; c’est qu’elle a estimé que le coût politique d’une possible erreur grossière était moindre que l’aveu d’une ignorance somme toute pardonnable, et ceci me tracasse. Les réactions outrées sur la blogosphère se sont multipliées : quelle incompétence ! quelle ignorance du quotidien du bon peuple ! Or, exiger de la ministre des Transports qu’elle connaisse au jour le jour le prix du ticket de bus me semble relever de deux choses :
1. d’une idolâtrie du « mode de pensée ou de connaissance parcellaire, compartimenté, monodisciplinaire, quantificateur » (Edgar Morin). Or, une politique des Transports, ce n’est pas essentiellement le prix du ticket, mais bien plutôt, par exemple, une vision écologique (quels modes de transport privilégier ?), sociale (quel modèle de développement urbain ?), voire éthique (débat sur les systèmes de transport intelligent)… autant de questions sur lesquelles NKM, que je sache, n’a pas été interrogée.
2. d’un fétichisme de la proximité dans le champ politique. Or, une ministre n’est pas un maire. Il ne s’agit pas de faire des gouvernants des demi-dieux, mais enfin, il se trouve que c’est l’un des ressorts du populisme d’ériger la proximité en valeur cardinale ; et les partis modérés, ou au discours traditionnellement rationnel, de courir derrière… Non, les ministres ne prennent pas le métro (sauf en campagne électorale !), et ne vivent pas dans des deux pièces à Bobigny. Y vivraient-ils, on leur reprocherait d’être coupés des réalités de la vie rurale en Lozère… ou aux alentours de Sainte-Menehould.
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