Tuesday, 11 December 2012

La ténébreuse affaire DSK


Dominique Strauss-Kahn et Nafissatou Diallo sont parvenus hier à un accord financier mettant un point final à l’affaire du Sofitel. On ne saura donc jamais ce qui s’est passé dans la suite 2806. La procédure est courante dans le système judiciaire américain ; vos journaux l’expliquent en détail. Aucun de ceux que j’ai parcourus ne relève à quel point tout ceci est balzacien : l’argent corrupteur et régulateur ; l’inconvenance d’une certaine presse ; le pouvoir dont seul la mort peut faire passer l’envie (Berlusconi revient, a-t-on appris hier ! Sarkozy se tient en embuscade ; DSK, blanchi, va-t-il faire son retour en politique ?) ; et bien sûr, pour reprendre le titre d’une des parties d’un roman de Balzac, « Ce que l’amour coûte aux vieillards » (6 millions de dollars, murmure-t-on, dans le cas de DSK).
Voici un extrait de Splendeurs et misères des courtisanes (Diallo n’en est pas une, attention, le New York Post vient, lui aussi, de lui verser des sous pour avoir écrit le contraire). C’est la scène où Nucingen, le vieux financier, négocie certains arrangements monétaires avec une dame…
« D'irritations en irritations et de dix mille en dix mille francs, le banquier était arrivé à offrir soixante mille francs à madame de Saint-Estève, qui lui répondit par un refus grimacé à désespérer un macaque. Après une nuit agitée, après avoir reconnu combien Esther portait de désordre dans ses idées, après avoir réalisé des gains inattendus à la Bourse, il vint enfin un matin avec l'intention de lâcher les cent mille francs demandés par Asie, mais il voulait lui soutirer une foule de renseignements.
– Tu te décides donc, mon gros farceur ? lui dit Asie en lui tapant sur l'épaule.
La familiarité la plus déshonorante est le premier impôt que ces sortes de femmes prélèvent sur les passions effrénées ou sur les misères qui se confient à elles; elles ne s'élèvent jamais à la hauteur du client, elles le font asseoir côte à côte auprès d'elles sur leur tas de boue. Asie, comme on le voit, obéissait admirablement à son maître.
– Il le vaud pien, dit Nucingen.
– Et tu n'es pas volé, répondit Asie. On a vendu des femmes plus cher que tu ne paieras celle-là, relativement. Il y a femme et femme! De Marsay a donné de feu Coralie soixante mille francs. Celle que tu veux a coûté cent mille francs de première main; mais pour moi, vois-tu, vieux corrompu, c'est une affaire de convenance.
– Mèz ù ed-elle ?
– Ah! tu la verras. Je suis comme toi: donnant, donnant !... Ah! çà, mon cher, ta passion a fait des folies. Ces jeunes filles, ça n'est pas raisonnable. La princesse est en ce moment ce que nous appelons une belle de nuit...
– Eine pelle...
– Allons, vas-tu faire le jobard ?... Elle a Louchard à ses trousses, je lui ai prêté, moi, cinquante mille francs...
– Finte-sinte ! tis tonc, s'écria le banquier.
– Parbleu, vingt-cinq pour cinquante, ça va sans dire, répondit Asie. Cette femme-là, faut lui rendre justice, c'est la probité même ! »