Dominique
Strauss-Kahn et Nafissatou Diallo sont parvenus hier à un accord financier
mettant un point final à l’affaire du Sofitel. On ne saura donc jamais ce qui s’est
passé dans la suite 2806. La procédure est courante dans le système judiciaire
américain ; vos journaux l’expliquent en détail. Aucun de ceux
que j’ai parcourus ne relève à quel point tout ceci est balzacien : l’argent
corrupteur et régulateur ; l’inconvenance d’une certaine presse ; le
pouvoir dont seul la mort peut faire passer l’envie (Berlusconi revient, a-t-on
appris hier ! Sarkozy se tient en embuscade ; DSK, blanchi, va-t-il
faire son retour en politique ?) ; et bien sûr, pour reprendre le
titre d’une des parties d’un roman de Balzac, « Ce que l’amour coûte aux
vieillards » (6 millions de dollars, murmure-t-on, dans le cas de DSK).
Voici
un extrait de Splendeurs et misères des
courtisanes (Diallo n’en est pas une, attention, le New York Post vient, lui aussi, de lui verser des sous pour avoir
écrit le contraire). C’est la scène où Nucingen, le vieux financier, négocie certains
arrangements monétaires avec une dame…
« D'irritations
en irritations et de dix mille en dix mille francs, le banquier était arrivé à
offrir soixante mille francs à madame de Saint-Estève, qui lui répondit par un
refus grimacé à désespérer un macaque. Après une nuit agitée, après avoir
reconnu combien Esther portait de désordre dans ses idées, après avoir réalisé
des gains inattendus à la Bourse, il vint enfin un matin avec l'intention de
lâcher les cent mille francs demandés par Asie, mais il voulait lui soutirer
une foule de renseignements.
–
Tu te décides donc, mon gros farceur ? lui dit Asie en lui tapant sur l'épaule.
La
familiarité la plus déshonorante est le premier impôt que ces sortes de femmes
prélèvent sur les passions effrénées ou sur les misères qui se confient à
elles; elles ne s'élèvent jamais à la hauteur du client, elles le font asseoir
côte à côte auprès d'elles sur leur tas de boue. Asie, comme on le voit,
obéissait admirablement à son maître.
–
Il le vaud pien, dit Nucingen.
–
Et tu n'es pas volé, répondit Asie. On a vendu des femmes plus cher que tu ne
paieras celle-là, relativement. Il y a femme et femme! De Marsay a donné de
feu Coralie soixante mille francs. Celle que tu veux a coûté cent mille francs
de première main; mais pour moi, vois-tu, vieux corrompu, c'est une affaire de
convenance.
–
Mèz ù ed-elle ?
–
Ah! tu la verras. Je suis comme toi: donnant, donnant !... Ah! çà, mon cher, ta
passion a fait des folies. Ces jeunes filles, ça n'est pas raisonnable. La
princesse est en ce moment ce que nous appelons une belle de nuit...
–
Eine pelle...
–
Allons, vas-tu faire le jobard ?... Elle a Louchard à ses trousses, je lui ai
prêté, moi, cinquante mille francs...
–
Finte-sinte ! tis tonc, s'écria le banquier.
–
Parbleu, vingt-cinq pour cinquante, ça va sans dire, répondit Asie. Cette
femme-là, faut lui rendre justice, c'est la probité même ! »